“Une journée pas comme les autres…” Tranche de vie : le 15 juillet 2018

Tout petit je regardais déjà avec curiosité tout ce qui m’entourait, les personnes, les lumières mais aussi la nature déjà. J’avais 4 ou 5 ans et je me souviens des plantes qui entouraient la maison où habitaient mes parents dans le Sud-Est. Je me souviens des pieds de ricin avec les fruits qu’il ne fallait surtout pas manger, les kakis dans le champ d’à côté où nous allions avec ma sœur déguster ces fruits délicieux et juteux. Puis ma mère avait ponctuellement travaillé pour récolter des cerises, elle était perchée et moi j’avais la bouche toute rouge en bas…

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Je me souviens aussi des voyages en triporteur, où mon grand père adoptif m’emmenait, j’étais devant, tout petit,   j’avais un peu peur et je humais la campagne environnante avec les senteurs des herbes et foins coupés. Chaque fois des goûts de liberté …

Plus tard vers 6 ans, nous déménagions sur le bassin d’Arcachon, tout autour de la maison il y avait des champs à perte de vue et derrière la magie des prés salés et des marées. Je partais, parfois avec mon père et souvent seul, découvrir la faune et la flore : la menthe sauvage, les tamaris, les pruneliers, les rosés des près, les crabes, les anguilles, les grenouilles, les serpents que j’ai d’ailleurs découvert d’un peu trop près m’étant fait piqué par une vipère … Ma mère en particulier avait un sens aigu de la beauté au jardin, elle passait et passe encore son temps à un âge très avancé, à désherber, embellir son jardin. Un nombre incalculable de fleurs magnifiques entourent leur maison.

Pastel, Jean-Marc Subira

Pastel, Jean-Marc Subira

Pourquoi parler de tout cela ? Juste pour dire que peut-être il n’y a pas de hasard …

Un jour une amie proche, qui se reconnaitra, me demanda si cela m’intéressait de participer à un atelier de semences avec la ville d’Eysines, c’était début 2018, je pense, j’acceptais avec plaisir. Je découvris alors Caroline Miquel qui nous fit partager avec enthousiasme sa passion pour les plantes et les semis, elle nous invita à venir la rejoindre au jardin qu’elle cultivait dans la zone des maraichers vers Eysines. J’y allais plus tard pour découvrir l’endroit et aider Caroline dans les travaux parfois durs de la terre. Elle était souvent seule à travailler, elle m’appelait quelquefois pour une urgence quand j’étais encore au bureau. Je me sentais utile et aimais l’ambiance intimiste et zen.

Petit à petit, je me rendais compte qu’on était bien loin du « simple » travail de maraîchage, il y avait en parallèle à tout cela une philosophie de ce que devrait être le respect du vivant au sens large, et aussi un questionnement de notre positionnement dans l’univers, des connexions qui nous y relient entre ce monde du visible et de l’invisible. Je me rendais compte dans mon cheminement personnel qu’une partie de moi était bien alignée ici.

Cela nous emmène donc à cette journée du 15 juillet 2018. Cette journée commença bien : il faisait un soleil radieux et nous avions décidé avec ma petite amie de l’époque d’aller nager sur le bassin d’Arcachon. J’étais un bon nageur ayant fait quelques grandes traversées en milieu naturel, ainsi nous décidions de familiariser ma jolie compagne à la nage en eau vive. Je l’accompagnais et la surveillais de près en longeant la plage de quelques dizaines de mètres, il y avait un très fort courant parallèle à la plage. Je connaissais parfaitement les lieux : se rapprochant d’une jetée et ayant peur qu’elle passe dessous, je lui indiquais fermement de se rapprocher de la plage, chose fut faite avec quelques efforts. Elle me dit avoir eu  très peur et que son cœur s’était emballé … Elle me reprocha quelques peu de lui avoir fait une si grande frayeur …

Pastel, Jean-Marc Subira

Pastel, Jean-Marc Subira

La journée tirait sur sa fin et nous nous séparâmes quelque peu désenchantés … Je rentrais alors vers Bordeaux attristé, seul. Ce jour-là était une très grande journée pour une multitude de personnes, c’était la finale de la coupe du monde de football ! J’arrivais sur la rocade, des centaines de personnes se pressaient pour assister au match. J’étais désolé qu’autant de monde puisse avoir autant d’énergie pour assister à un match de foot. Etait-ce moi le rabat-joie ? Pourquoi ne pas donner autant d’énergie pour des choses qui me paraissaient plus importantes ? La préservation de notre planète, repenser le mieux vivre ensemble, etc. ? Peut-être que l’un n’empêche pas l’autre mais je me sentais complètement décalé par rapport à cela.

Une très forte pluie commençait à s’abattre sur la route avec des vents violents. Lorsque j’arrivais chez moi, le vent s’amplifiait, la pluie aussi, j’étais seul, très seul. Je sentais la ferveur des personnes suivant le match, c’était d’une importance capitale … Du pain et des jeux ? Je n’écoutais même pas la radio. 

Tout d’un coup un nuage de grêle s’abattit dans mon jardin, sur ma maison, d’une violence extrême. Je montais à l’étage pour regarder le désastre par la fenêtre, d’énormes grêlons tombaient, cassant tout, brisant tout net les feuilles, les branches, des tuiles. Je regardais avec une tristesse infinie cette fin du monde … Je pensais à mon jardin et ressentais la souffrance des plantes, des arbres.

Une larme coula doucement et lentement sur ma joue, pour mon jardin, pour la fin d’une histoire personnelle, mais surtout je pensais au jardin de Caroline et imaginais le désastre : tout pouvait avoir été perdu, tant de travail, de sueur, d’espoir pour rien. 

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Il s’avéra effectivement que tout avait été détruit, Caroline le découvrit un peu plus tard. Son métier pouvait être remis en cause, sa vie, notre vie … Elle a pleuré aussi en découvrant son jardin délabré. Mais peut être peut-on renaitre de ses cendres ? Peut-on se relever d’une épreuve aussi brutale ? On peut se poser la question à tous les niveaux psychologique, physique…

L’avenir apporte souvent les réponses qui semblent être invisibles sur le moment …

 

Jean-Marc SUBIRA

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